Les internes en médecine sont des agents publics (article R. 6153-2, I, al. 1, Code de la Santé Publique). Ils sont donc soumis aux différentes règles applicables aux agents publics des établissements publics hospitaliers.

Toutefois, ils sont également des praticiens en formation spécialisée qui consacrent « la totalité de [leur] temps à [leur] formation médicale » (article R. 6153-2, I, al. 2, Code de la Santé Publique). La mise en œuvre de leur droit de grève est donc soumis à quelques spécificités.

De manière générale, les dispositions des articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail réglementant le cadre général de la GREVE dans les services publics s’appliquent.

1. Le déclenchement de la grève : l’initiative syndicale

L’article L. 2512-2 du code de travail dispose :

« Lorsque les personnels mentionnés à l’article L. 2512-1 exercent le droit de grève, la cessation concertée du travail est précédée d’un préavis. 

Le préavis émane d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé. 

Il précise les motifs du recours à la grève. 

Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’établissement, de l’entreprise ou de l’organisme intéressé. Il mentionne le champ géographique et l’heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée. 

Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier ».

Les points clés à retenir sont les suivants :

  • La grève doit être précédée d’un préavis : il s’agit d’un courrier dans lequel doivent être indiqués :
    – les motifs du recours à la grève : les revendications doivent être professionnelles ;
    – le champ géographique de la grève (un établissement, une région, national, etc.) ;
    – la date et heure de début ;
    – la durée de la grève (qui peut être illimitée)
  • Le préavis doit être déposé par un syndicat représentatif au niveau où la grève est déclenchée, à savoir au niveau national, ou dans la catégorie professionnelle concernée, ou dans l’établissement, ou au sein de l’organisme ou le service intéressé.
  • Le préavis doit être adressé à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’établissement/organisme : dans le cas de mouvements nationaux, lorsque l’ISNI dépose un préavis national (au Ministre en charge), tous les internes en médecine sont couverts. En effet, le ministère chargé de la santé doit en informer les établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux, via les agences régionales de santé. Dans le cas de mouvements locaux, il faudra adresser le préavis au Directeur de l’établissement concerné.
  • Le préavis doit être déposé en respectant un délai de 5 jours francs : ne comptent ni le jour de la remise du préavis, ni le jour du début du mouvement. Exemple : pour un mouvement débutant le 10, le préavis devra être remis au plus tard le 4.
  • Pendant la durée du préavis, les parties ont l’obligation de négocier. Il s’agit d’une obligation de moyens, pas de résultat.

Le non-respect de ces règles est susceptible d’entrainer des sanctions disciplinaires (article L. 2512-4 du Code du travail).

2. Les droits et obligations des internes pendant une grève

  • Le principe de la liberté de rejoindre le mouvement et de le quitter à tout moment

Lorsque le préavis couvre les internes, ils peuvent rejoindre le mouvement à tout moment (Cass. soc., 8 décembre 2005, n°03-43.934).

Il n’est donc indispensable de se déclarer en grève dès le premier jour du mouvement.

De la même manière, les internes ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée dans le préavis (Cass. soc., 12 janvier 1999, n°03-45.659). Ils peuvent n’y participer que durant une partie seulement du mouvement.

C’est donc le principe de la liberté qui prime : l’interne est libre de rejoindre et de sortir du mouvement au moment où il le souhaite.

En revanche, pour rejoindre le mouvement, il est nécessaire de se déclarer gréviste. Cette déclaration peut se faire à tout moment dès lors qu’un préavis couvre les internes (cf. modèles mis en ligne par l’ISNI).

  • L’encadrement de la liberté de rejoindre le mouvement : la déclaration préalable par chaque interne

Les directeurs d’établissement doivent recenser les effectifs grévistes avant de notamment procéder aux assignations.

Ils peuvent fixer les mesures nécessaires au fonctionnement et à la continuité des services qui ne peuvent être interrompus, sans toutefois violer le droit de grève.

A ce titre, la jurisprudence a pu valider la possibilité pour les directeurs d’établissement de demander aux personnels de se déclarer grévistes dans un certain délai (CAA Douai, 5 mars 2015, n°14AD00326).

Attention cependant aux abus. Cette possibilité a été reconnue pour de très brefs délais (48h avant l’entrée en grève : CE, 8 avril 2013, n°367453). La direction ne pourrait pas interdire aux internes de prendre part à un mouvement de grève à défaut de se déclarer gréviste dans un délai  beaucoup plus long.

De même, la direction de l’établissement ne peut imposer aux internes de se déclarer grévistes impérativement avant la date de début du mouvement visée dans le préavis pour pouvoir le rejoindre ultérieurement (CE, 6 juillet 2016, n°390031). Les internes peuvent ainsi rejoindre le mouvement au moment de leur choix (y-compris après la date de début visée dans le préavis), et, éventuellement, en respectant le bref délai imposé par la direction.

Ex : si le mouvement de grève illimitée débute le 10 et que la direction exige un délai de déclaration de 48h, l’interne pourra librement rejoindre le mouvement que le 14, en s’étant déclaré au plus tard le 11 au soir.

  • Les assignations

Les directeurs d’établissement ont le pouvoir de désigner des internes dans le cadre d’assignations, au même titre que les autres personnels. Cependant, ce pouvoir d’assignation est encadré.

L’assignation ne détermine que la liste des personnels dont la présence est strictement indispensable pour assurer la continuité du service public.

Elle doit donc être limitée aux seules situations et services dont la continuité est nécessaire au regard de la sécurité des patients et la sécurité des soins à l’hôpital.

Il a été jugé que la participation des internes, praticiens en formation, à l’activité hospitalière ne saurait être considérée comme indispensable à la continuité des soins (TA Paris, 14 octobre 2013, n°1221717/2-2, Mme A. c./ AP-HP).

Selon une instruction du 22 janvier 2016 (DGOS/RH3 n°2016-21), l’ordre de priorité suivant doit être respecté pour les assignations :

  1. les praticiens seniors volontaires
  2. les praticiens seniors non volontaires mais disponibles et en situation d’être assignés (notamment les praticiens qui ne sont pas en repos de sécurité, ni en congés annuels)
  3. les internes non-grévistes en situation d’être assignés
  4. les internes grévistes

En conséquence, les internes grévistes ne peuvent en principe être assignés qu’en dernier lieu.

En cas de non-respect de ces règles et d’assignation abusive, des recours devant le Tribunal administratif sont possibles.

3. Les questions posées à l’occasion d’une grève

  • Est-il possible de faire grève sans qu’il y ait de préavis ?

Non. Pour éviter d’être sanctionné et de participer à un mouvement illégal, il est indispensable d’être couvert par un préavis de grève.

Ce préavis peut avoir été déposé par un syndicat au niveau national ou au niveau local. Il est très important de s’informer pour savoir si un préavis de grève qui vous couvre a bien été déposé.

  • Comment dois-je faire pour exercer mon droit de grève ?

Chaque interne souhaitant exercer son droit de grève est tenu de déposer une déclaration individuelle précisant à quel moment il est gréviste.

Il est recommandé de faire apparaître sur cette déclaration individuelle les informations suivantes :

  • Le fait d’être couvert par un préavis,
  • La date et heure de début de la participation au mouvement,
  • Si possible, la durée (il sera possible d’informer de la modification de cette durée),
  • Les nom et prénom(s),
  • Le pôle médical,
  • Le service d’affectation,
  • Le lieu et la date de la déclaration,
  • La signature.

L’ISNI met à votre disposition un modèle.

Il est important de garder une trace de la date à laquelle vous avez remis la déclaration.

S’il n’y a aucun délai de déclaration prescrit par la loi, certains établissements peuvent demander aux futurs grévistes de se déclarer un certain temps avant le mouvement. Les juridictions administratives ont eu l’occasion d’indiquer que, pour les impératifs d’organisation, il était possible de solliciter cette déclaration individuelle 24 à 48 heures avant de rejoindre le mouvement.

A défaut de consignes spécifiques propres à votre établissement, vous pouvez déposer votre déclaration à tout moment.

  • Auprès de qui dois-je me déclarer gréviste ?

La déclaration doit être adressée à la direction de l’établissement qui sera également chargée de faire le tableau de service correspondant aux jours de grève avec l’indication des personnels ayant l’obligation d’assurer leur service. 

Les tableaux doivent être signés du directeur et affichés au plus tôt avant le déclenchement de la grève. 

  • Puis-je faire grève et venir travailler quand même ?

La grève nécessite par définition un arrêt du travail. Donc soit l’interne est gréviste et il ne vient pas travailler, soit il n’est pas gréviste et il vient travailler. 

Autrement dit, si un interne vient travailler, c’est qu’il n’est pas gréviste.

  • Puis-je faire grève uniquement sur mes gardes ?

La jurisprudence interdit de ne faire grève que sur certaines obligations du salarié (pour un exemple de refus des seules astreintes, Cass. soc. 2 février 2006, n° 04-12336). 

Cependant, dans la pratique, certains CHU semblent tolérer les grèves portant uniquement sur certaines obligations des internes.

S’il n’y a pas d’opposition de l’établissement lors du dépôt du préavis, il semble possible de faire grève uniquement sur certaines obligations de service.

  • La grève doit-elle nécessairement avoir une durée minimum ?

Non, l’interne choisit lui-même la durée de son interruption de travail. Il est ainsi possible de faire des grèves de courte durée.

  • Est-il possible de faire grève durant une partie seulement du préavis ?

Oui. L’interne est libre de rejoindre le mouvement quand il le souhaite et de le quitter également au moment qu’il aura décidé.

Le préavis offre la possibilité de prendre part au mouvement durant cette période mais n’oblige pas les internes à y participer durant une partie ou durant toute sa durée.

  • Est-ce que je peux être assigné et devoir venir travailler ?

Oui, mais sous conditions. Les assignations doivent déterminer que la liste des personnels dont la présence est strictement indispensable pour assurer la continuité du service public.

Selon la jurisprudence, la participation de l’interne à l’activité hospitalière ne saurait être considérée comme indispensable à la continuité des soins (TA Paris, n°1221717/2-2, 14 octobre 2013, Mme A c./ AP-HP).

Une instruction du 22 janvier 2016 précise que l’ordre de priorité suivant doit être respecté pour les assignations : 

  1. Les praticiens seniors volontaires,
  2. Les praticiens seniors non volontaires mais disponibles et en situation d’être assignés (notamment les praticiens qui ne sont pas en repos de sécurité, ni en congés annuels), 
  3. Les internes non-grévistes en situation d’être assignés,
  4. Les internes grévistes.

Ainsi, l’assignation des internes pour garantir la continuité et la permanence des soins, ne peut se justifier qu’à condition que les praticiens seniors sollicités et responsables de la prise en charge des patients ne puissent assurer cette continuité.

  • Comment doivent être notifiées les assignations ?

Les assignations doivent être notifiées de manière individuelle.

Chaque interne doit se voir notifier la décision d’assignation qui le concerne. 

C’est un acte juridique qui fait grief et qui est susceptible de recours. La notification doit donc être certaine et il ne doit y avoir de doute sur la réception par les internes. En conséquence, cette notification doit, en principe, être  réalisée par remise en main propre contre décharge, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre moyen qui permet de s’assurer de la réception. 

Un mail envoyé sur une boite mail privé pourrait être contestable dans la mesure où l’assigné pourrait dire qu’il n’a pas reçu le mail.